Hautement spécialisés et sous-employés: Y a-t-il du progrès dans la crise touchant notre profession?

Malgré de longs délais d’attente pour que les patients reçoivent des soins musculosquelettiques et une population vieillissante qui mettra encore plus à rude épreuve le système de soins de santé, le taux de chômage des diplômés en orthopédie est inacceptable.

Accès aux soins

Ce n’est pas un secret : dans beaucoup de régions, les temps d’attente en chirurgie orthopédique sont bien supérieurs à ce que les orthopédistes jugent raisonnable sur le plan clinique. L’Institut Fraser brosse un tableau bien sombre pour les patients ayant un trouble de l’appareil locomoteur. Comparativement aux autres spécialités médicales, c’est en orthopédie que les patients attendent le plus longtemps entre l’aiguillage par l’omnipraticien et le traitement (14,6 semaines pour la période T1 et 24,5 semaines pour la période T2, pour un total de 39,1 semaines). (Barua et al., 2019)

Selon le rapport Les temps d’attente pour les interventions prioritaires au Canada, de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), environ 30 % des patients qui nécessitaient une arthroplastie de la hanche ou du genou n’ont pas subi leur intervention dans les délais recommandés en 2019. Ces données reflètent les derniers renseignements disponibles pour le cycle de données 2019, et donc avant la pandémie de COVID-19. (ICIS, 2020)

Les politiques relatives à la formation et le sous-Financement

L’engorgement du système émane en grande partie du manque de ressources (p. ex. financement pour l’embauche d’orthopédistes à temps plein, ressources opératoires, lits pour le rétablissement, soins infirmiers) allouées par le gouvernement pour permettre aux orthopédistes de traiter les patients en temps opportun. Le Canada compte le nombre d’orthopédistes par habitant le plus faible des pays du G7, à 3,5 (ACO/Statistique Canada) et 4,5 (Dell et al.) orthopédistes par 100 000 habitants.

L’accès inadéquat de la population aux soins de l’appareil locomoteur dans de nombreuses régions au pays devient plus embarrassant si on tient compte du nombre d’orthopédistes formés au Canada qui sont prêts à travailler, mais qui demeurent sans emploi ou sous-employés. Voici un aperçu de la situation d’emploi en orthopédie actuellement et sur une période de cinq ans dans l’ensemble du pays, incluant les variations régionales. Comment va vraiment notre profession?

La situation d’emploi en orthopédie en 2019, par l’ACO

L’ACO procède chaque année à la collecte de données sur la situation d’emploi des diplômés en orthopédie des 6 dernières années, à la manière des articles « Que sont-ils devenus? », auprès des 17 directeurs des programmes canadiens de formation en orthopédie. Voici les dernières statistiques sur les diplômés de 2015 à 2020, ou « jeunes diplômés » (au 1er décembre 2020); ces résultats constituent un outil important de planification de la main-d’œuvre et pour demander l’amélioration de l’accès aux soins.

Principales constatations

  • – Au total, 430 orthopédistes ont obtenu leur diplôme au cours des 6 dernières années au Canada.
  • Actuellement, 127 jeunes diplômés cherchent un emploi à temps plein (« diplômés à la recherche d’un emploi ») :
    • 28 sont sous-employés (suppléance, recherche ou autre) et activement à la recherche d’un emploi immédiat;
    • 99 sont actuellement en fellowship et seront bientôt sur le marché du travail (97 % en sont à leur première ou deuxième année de fellowship, et 3 % à leur troisième ou quatrième année).
  • – En tout, 72 jeunes diplômés travaillent à temps plein à l’extérieur du Canada.
  • – Au total, 231 jeunes diplômés ont un poste à temps plein au Canada.
  • Le taux de chômage chez les diplômés des six dernières années a diminué principalement en raison de la réduction des places en résidence.

Et maintenant, que fait-on?

Le manque d’accès aux soins de l’appareil locomoteur pour une population vieillissante et leur sous-financement persistent, et constituent un facteur majeur dans la crise du sous-emploi et du chômage que nous constatons depuis une décennie chez les orthopédistes dûment formés au Canada. Malgré de légères améliorations dans les taux bruts de sous-emploi un peu partout au pays, il y a toujours davantage d’orthopédistes qui entrent sur le marché du travail que d’emplois prévus, et le manque de postes continuera de représenter un défi pour nos jeunes diplômés dans un avenir prévisible. En outre, la situation est encore plus alarmante quand on tient compte du fait que nous commençons une deuxième décennie de réductions considérables des places en formation pour les diplômés canadiens. L’augmentation du nombre de diplômés qui acceptent des postes à temps plein aux États-Unis ces dernières années est également troublante.

Dans un rapport, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada présentait les résultats de son enquête annuelle sur l’emploi (Collège royal), découlant d’un sondage sur les perspectives d’emploi des médecins spécialistes certifiés en 2017. Les six plus grands obstacles à l’obtention d’un emploi sont :

      1. qu’il n’y a pas assez de postes disponibles dans leur spécialité au Canada
      2. le mauvais accès aux offres d’emploi
      3. le désir ou la nécessité de rester près de la famille
      4. les contraintes liées à l’emploi du conjoint/de la conjointe
      5. le manque de ressources liées aux soins de santé (financement, temps d’accès aux salles d’opération)
      6. le départ à la retraite tardif des médecins et chirurgiens chevronnés (et leur hésitation à partager les ressources)

Consultez l’article publié en juin 2018 dans le Bulletin de l’ACO pour mieux comprendre la capacité de l’ACO à lutter contre la crise du sous-emploi sur divers plans, y compris les relations gouvernementales, le déploiement d’un babillard des possibilités d’emploi gratuit et la sensibilisation grâce à des énoncés de position. L’une des interventions les plus importantes de l’ACO a été de militer pour la réduction des places en résidence, ce qui a entraîné une baisse des jumelages, qui sont passés de 81 jumelages R-1 en chirurgie orthopédique en 2011 à 53 jumelages en 2020 (CaRMS). Cela soulève une question : y aura-t-il suffisamment d’orthopédistes disponibles pour répondre aux besoins de la population vieillissante? Limiter davantage le nombre de places en formation pourrait compromettre les soins pendant des décennies.

Des efforts constants de défense des droits et intérêts à divers échelons du gouvernement et dans les médias sont essentiels. L’ACO continue de favoriser les modèles de soins novateurs qui permettent une efficacité accrue, en plus de poursuivre ses efforts de promotion des modèles de partage des tâches permettant progressivement aux jeunes orthopédistes de commencer leur carrière pendant que des orthopédistes chevronnés entament leur transition vers la retraite.

Pour plus d’informations sur le profil de la chirurgie orthopédique au Canada, cliquez ici.

Consultez l’article publié en juin 2018 dans le Bulletin de l’ACO

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